Les mentalités semblaient pourtant prêtes à évoluer. Ce vendredi, à la grande déception –mais non surprise- de tous les homosexuels de France, le Conseil constitutionnel vient de se prononcer à la défaveur du mariage gay. Dans le détail, un couple unisexe originaire de la Marne a récemment saisi le tribunal de grande instance de Reims sur la légalité de l’interdiction du mariage gay, qu’il estimait contraire au principe d’égalité et donc non conforme à la Constitution. Le 24 août dernier, le TGI s’est jugé incompétent et a lui-même saisi la Cour de cassation. Comme le veut la procédure, cette dernière a alors transmis mardi au Conseil constitutionnel, une «question prioritaire de constitutionnalité», qui demande à la plus haute juridiction française de se prononcer si la légalité d’une loi déjà appliquée –en l’occurrence les articles 75 (dernier alinéa) et 144 du Code civil. *
Concrètement, Corinne Cestino et Sophie Hasslauer, ensemble depuis 14 ans, pacsées et élevant quatre enfants -l'un né d'une première union de l'une des deux, les trois autres conçus par insémination artificielle en Belgique- ont entrepris cette démarche dans l’espoir de faire bouger les choses, et de stabiliser la situation de leur famille et d’assurer un avenir serein à leurs enfants. En effet, si le pacte civil de solidarité (Pacs, institué en 1999 en France), accorde certains droits au couple, par rapporte au concubinage, il n’égale pas le mariage, notamment en terme de succession. Mais leur souhait n’a pas été exaucé.
Le Conseil constitutionnel a jugé «les dispositions contestées du code civil conformes à la Constitution», restant sur le prérequis que «le mariage est l'union d'un homme et d'une femme». «En maintenant le principe selon lequel le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, poursuit l’arrêt, le législateur a, dans l'exercice de sa compétence, estimé que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d'un homme et d'une femme pouvait justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille», a-t-il souligné pour écarter l’argument de l’inégalité. Et de renvoyer au législateur la responsabilité de décider d'un éventuel changement dans la législation: «Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, de cette différence de situation», lit-on encore.
Maître Ludot, l'avocat de ce couple résidant à Val-de-Vesle, près de Reims, avait pourtant considéré que «toutes les conditions» étaient réunies pour que l’on «rattrape notre retard». «Nous sommes le pays des droits de l’Homme mais à la traîne en matière de droit des homosexuels», avait-il déploré sur RTL. En effet, l’Argentine est devenue, en juillet dernier, le premier pays à autoriser le mariage homosexuel en Amérique latine, sachant que le mariage gay est toutefois autorisé dans la ville de Mexico depuis décembre 2009, et que l’union civile l’est en outre dans plusieurs pays comme l'Uruguay et la Colombie. En Europe, huit Etats ont déjà franchi le pas: les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne, la Norvège, la Suède, le Portugal, l’Islande et le Royaume-Uni.
«Le Conseil constitutionnel vient de rater une occasion historique de mettre un terme à une discrimination devenue intolérable pour plus de 3 millions de personnes gays et lesbiennes en France, alors que dans le même temps neuf pays européens ont déjà ouvert le mariage aux personnes de même sexe», a regretté dans un communiqué Me Caroline Mécary. Pour cette avocate, qui représente les associations SOS Homophobie et Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL), il faudra probablement «attendre une alternance politique en 2012 pour espérer que les partis de gauche, qui se sont tous engagés pour l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe, initient une telle réforme.» En effet, la majorité s’est prononcée à plusieurs reprises contre le mariage gay, contrairement au parti socialiste.
* Article 144 :
L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus.
Article 75 (dernier alinéa) :
Il recevra de chaque partie, l'une après l'autre, la déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme: il prononcera, au nom de la loi, qu'elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ.